SULFAMIDES ET SULFONES

SULFAMIDES ET SULFONES
SULFAMIDES ET SULFONES

Les sulfamides (ou mieux sulfonamides) et les sulfones sont des dérivés soufrés de noyaux aromatiques. Les sulfamides sont des para-amino-phenyl sulfonamides; les sulfones sont des molécules du type di-amino-diphényl sulfones.

Ces deux séries de produits ont reçu des applications pharmaceutiques de tout premier ordre, notamment dans plusieurs domaines de la chimiothérapie antimicrobienne, comme produits antidiabétiques utilisables par voie buccale, et comme agents diurétiques.

Structure

Les structures générales des sulfamides, ou sulfonamides, et des sulfones, représentées dans le tableau 1 (formules 1 et 2), montrent, d’une part, que, du fait des substitutions possibles, le nombre de ces substances que l’on peut obtenir par synthèse est pratiquement illimité, d’autre part, que les sulfamides sont des analogues de structure de l’acide p -aminobenzoïque qui est une vitamine hydrosoluble désignée sous le nom de vitamine Bx (tabl. 1).

Activités biologiques et thérapeutiques

Sulfamides antimicrobiens

Bien que la découverte du sulfanilamide par Gelmo, en vue d’application dans le domaine des colorants, remonte à 1908, il devait s’écouler encore plus de vingt-cinq ans avant que l’on commençât à entrevoir des applications possibles en thérapeutique des sulfamides. Ils devaient constituer dans les années trente la première grande percée thérapeutique médicamenteuse pour le traitement des maladies infectieuses.

Il revient à Gerhard Domagk le mérite d’avoir découvert la valeur antimicrobienne du Prontosil (1932-1935). À l’Institut Pasteur de Paris, cette découverte suscita de grands espoirs et une équipe de chercheurs comportant notamment M. et Mme Jacques Tréfuël, chimistes, Daniel Bovet, Ernest Fourneau et Federico Nitti, biologistes, étudia dans le détail une série de substances apparentées au Prontosil et au Rubiazol. Ils observèrent que ces produits sont métabolisés dans l’organisme avec apparition de di- ou tri-aminobenzène, d’une part, et de p -aminobenzène sulfonamide, d’autre part. Le mérite des chercheurs français fut donc de démontrer que l’activité antimicrobienne des colorants utilisés jusqu’à ce jour était due non pas à la fonction diazoïque de la molécule mais à la présence du résidu p -aminobenzène sulfonamide. Cette molécule, que l’on peut considérer comme la «molécule mère», ou pharmacophore, ne possède qu’une faible activité antimicrobienne, mais la découverte des sulfamides a propulsé une méthode de recherche de nouveaux médicaments qui devait se montrer féconde par la suite.

L’introduction de substituants divers dans la fonction sulfonamide a permis de moduler presque à l’infini les deux propriétés fondamentales que l’on recherche pour un médicament: efficacité par rapport aux germes pathogènes et inocuité pour les sujets traités.

Les sulfamides sont actifs sur de nombreux germes pathogènes:

cocci Gram positifs: staphylocoques, pneumocoques, streptocoques, etc.;

– deux cocci Gram négatifs: méningocoque, gonocoque;

– bacilles: colibacille, bacille de la dysenterie, etc.

Parmi les résultats les plus spectaculaires de la sulfamidothérapie, on peut citer le traitement de la pneumonie, dont la mortalité tomba rapidement de 20 à 5 ou 6 p. 100.

L’action inhibitrice, ou pouvoir bactériostatique, des sulfamides vis-à-vis de la croissance microbienne est un phénomène d’analogie de structure. En effet, les sufamides, qui sont des analogues de l’acide p -aminobenzoïque, partie constitutive de l’acide folique (cf. tabl. 2), bloquent la biosynthèse de l’acide tétrahydrofolique (THF) au niveau de la réaction de l’acide p -aminobenzoïque avec l’ester phosphorique de la 2-amino 4-hydroxy 6-hydroxyméthyl dihydroptéridine. Dans cette réaction, la substitution des sulfamides à l’acide p -aminobenzoïque aboutit à la formation de «faux acides foliques» incapables de fonctionner comme l’acide folique dans les nombreuses réactions biologiques où ce dernier intervient: synthèse des purines, de la thymine, de la sérine, de la méthiomine, etc. (cf. métabolisme des PURINES ET PYRIMIDINES, SOUFRE). Les cellules des Mammifères ne sont pas sensibles aux sulfamides, car, contrairement aux micro-organismes, elles ne synthétisent pas leur THF à partir de l’acide p -aminobenzoïque, mais à partir de l’acide folique préformé.

Ce mécanisme d’action explique également le grand succès thérapeutique obtenu en associant les sulfamides au triméthoprim qui est un analogue de la ptéridine. Cette association entraîne le blocage de deux étapes du cycle de l’acide folique, ce qui multiplie les chances d’impact.

L’association triméthoprim-sulfaméthoxazole représente un médicament actif par voie buccale dont la valeur est comparable à celle des antibiotiques majeurs.

Sulfamides hypoglycémiants

Outre leur pouvoir bactériostatique, les sulfamides sont également très utilisés comme agents hypoglycémiants de synthèse, et constituent donc de bons antidiabétiques oraux. Cette application thérapeutique, découverte et étudiée très en détail par A. Loubatières, doit son origine aux accidents hypoglycémiques observés au cours de traitements antimicrobiens par certains sulfamides. Parmi les sulfamides hypoglycémiants oraux les plus courants figurent le carbutamide et le tolbutamide (cf. tabl. 1: formules 8 et 9). Ces produits agissent au niveau du pancréas en stimulant la sécrétion d’insuline par les cellules 廓 des îlots de Langerhans. Ils sont donc inefficaces chez les sujets dont le diabète a pour étiologie une carence complète de la sécrétion d’insuline.

Sulfamides diurétiques

Les investigations effectuées sur les propriétés pharmacologiques des sulfamides conduisirent à reconnaître leurs propriétés diurétiques, qui sont la conséquence du fait que les sulfamides sont des inhibiteurs d’un système clef de la diurèse, une enzyme fondamentale, l’anhydrase carbonique. Selon Mudge (Goodman & Gilman’s, The Pharmacological Basis of Therapeutics ), un sulfamide diurétique de référence comme l’acétazolamide (tabl. 1) n’est pas un produit qui «crève le plafond» dans sa catégorie; il a cependant joué un rôle majeur dans le développement des connaissances sur la fonction rénale.

Les sulfamides diurétiques sont d’un emploi limité en thérapeutique; leurs principales applications sont le traitement du glaucome par réduction de la pression intraoculaire et comme adjuvant dans le traitement de l’épilepsie. On ne signale que peu d’effets secondaires intempestifs.

Toxicité des sulfamides

Bien que peu toxiques, les sulfamides peuvent être responsables d’accidents urinaires, digestifs (nausées, vomissements), allergiques, sanguins.

Les accidents urinaires sont dus au fait que la plupart des sulfamides, peu solubles dans le sérum et les urines, se déposent dans le tractus urinaire et forment des calculs.

Les réactions d’hypersensibilité se traduisent par de l’érythème, de l’urticaire, de la fièvre et des douleurs abdominales. Des réactions de sensibilisation croisée avec d’autres drogues, comme la novocaïne et la p -phénylène diamine, peuvent être enregistrées.

Enfin, des troubles sanguins sont observés dans un nombre, heureusement très limité, de cas: anémie hémolytique aiguë, agranulocytose, anémie aplastique et thrombocytopénie.

Sulfones

Les sulfones ont des propriétés biologiques et thérapeutiques assez comparables à celles des sulfamides. Cependant, leur champ d’application s’est spécialisé dans deux domaines thérapeutiques précis:

– Le domaine des mycobactéries, et notamment le traitement de la lèpre. Le produit le plus connu pour cette application est la 4,4 -diaminodiphényl sulfone, ou dapsone, dont l’efficacité, bien établie dans les années 1980, lui permet de servir de substance de référence pour tous les nouveaux médicaments expérimentés dans le traitement de la lèpre par la polychimiothérapie (cf. tableau 1: formule 12).

– Le traitement de la malaria. Pour les cas particulièrement récalcitrants, on associe les sulfamides avec d’autres médicaments.

Les sulfones peuvent être administrées avec sécurité pendant plusieurs années à condition de respecter les doses et les précautions adéquates pour le traitement. Des intolérances du type anorexie, nausée, vomissements ont été observées à la suite de l’administration orale de ces produits, mais, heureusement, dans un nombre limité de cas.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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